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La musique et le piano sous l'angle de la psychomotricité

Dernière mise à jour : 19 avr. 2020

Cet article a été écrit en collaboration avec Anne Lacoste, psychomotricienne au Centre pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés (CEAP), du Centre Hospitalier Sud-Gironde.

 

Parcours


PACES (première année commune aux études de santé) Bordeaux 2

Diplôme d’État de Psychomotricien.ne à l’issue de trois ans d'études à l’Institut de Formation en Psychomotricité (IFP) Bordeaux 2.

Expérience en Institut Médico-Éducatif (IME), Établissement d’Hébergement pour Personne Âgées Dépendantes (EHPAD) et Service de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).

Pratique le piano, la clarinette et percussions brésiliennes.

 

Qu’est-ce que la psychomotricité, ou du moins son rôle ?

Selon le Larousse, la psychomotricité rassemble l’ensemble des fonctions motrices considérées sous l’angle de leurs relations avec le psychisme. En gros, il s’agit de mettre en relation le corps et son développement avec l’esprit.

Les fonctions psychomotrices englobent plusieurs aspects, à savoir : les fonctions motrices globales (de tout le corps), les fonctions motrices fines (par exemple les doigts), le tonus, l’équilibre, la latéralité, l’organisation spatio-temporelle , le schéma corporel (en résumé :avoir conscience de son corps).

Un.e psychomotricien.ne intervient auprès des patients afin de l’aider à retrouver un équilibre corporel, à mieux prendre conscience de son corps, à le maîtriser, à en faire un instrument capable de s’exprimer et de communiquer.

 

Consulter un.e psychomotricien.ne


La psychomotricité est une profession paramédicale dont les consultations se font uniquement sur prescription, comme un.e kinésithérapeute ou un.e orthophoniste.

Les psychomotricien.ne.s exercent en libéral , en milieu hospitalier (SSR, pédiatrie, néo-natalité…) dans des Centres Médico-Psychologiques, Services d’Éducation Spéciale et de Soins À Domicile, ou en milieu institutionnel (ESAT, FAM (Foyer d’accueil médicalisé) etc...

 

Les différentes phases du développement psychomoteur

La plus grande partie du développement initial chez l’humain s’effectue entre 0 et 3 ans environ. Bien entendu, l’enfant continue de se développer en grandissant, au-delà de cet âge, avec toutes les expériences quotidiennes, sportives, sociales… Il acquerra au fil des ans une psychomotricité plus fine : sauter, viser, trouver son équilibre sur une jambe, pédaler… bref il y a encore du boulot !!



Sur le dos : le bébé va développer en parallèle son geste moteur du bras. Partir d’un geste réflexe vers un geste volontaire, l’agrippement des objets qui sont à sa portée.

Sur le ventre : le bébé va expérimenter les retournements

Reptation : le bébé va apprendre à coordonner ses quatre membres

Quatre pattes : le bébé apprend les appuis et à trouver son équilibre

Assise de façon autonome

Debout avec appui puis sans appui

Debout seul et marche : faculté qui va s’affiner jusqu’aux trois ans environ avec la capacité de se démarrer et retourner au sol tout seul.

Après la faculté d’agrippement, le bébé va porter progressivement les objets à sa bouche, puis développer la préhension en pince inférieure (pouce - auriculaire) et enfin la préhension supérieure (pouce – index). Ce développement précis le conduira plus tard à tenir un couvert, tenir un crayon et dessiner puis écrire.

Latéralité

« En grandissant, l’enfant développe une préférence plus marquée pour une de ses mains, qui s’observe principalement lors des manipulations d’objets. La dominance manuelle est la plus évidente et la plus étudiée car elle est déterminante dans les apprentissages (constructions, écriture…). C’est aussi la plus soumise à la pression socioculturelle. Nous retrouvons également des dominances au niveau de l’œil et du pied. L’ensemble de ces préférences spontanées d’un hémicorps par rapport à l’autre fait état de la latéralité d’un individu. » Le psychomotricien Libéral, 29/04/2018

On estime en France que les gaucher.e.s représentent 10 % de la population.

La latéralité s’acquiert également par étapes : vers 2/3 ans dominance oculaire et celle de la jambe ; 5/6 ans la dominance manuelle est en général acquise, de plus l’enfant peut situer sa droite et sa gauche sur lui ; vers 7/8 ans fin du processus de latéralisation, l’enfant peut aussi fixer la droite et la gauche sur autrui et acquiert la notion de réversibilité. (source : le psychomotricien libéral)

Vouloir aider et développer le plus vite possible la motricité de son enfant, une bonne idée ?

Si l’intention peut paraître louable, elle peut se révéler contre-productive. Il n’y a pas de meilleure expérience que celle que l’on acquiert par soi-même. Trop assister un enfant en le tenant par exemple ou en achetant mille gadgets qui le soutiendront peut freiner voire même troubler son développement psychomoteur.



Le piano et la psychomotricité

L’une des première questions que j’ai posées à Anne Lacoste a été de savoir si, à son avis, le piano était un instrument accessible à tou.te.s et s’il existait un âge idéal pour débuter la musique et le piano.

Par rapport à d’autres instruments, le piano requiert une psychomotricité très fine et globale. C’est à tort qu’on croit jouer uniquement avec les doigts : on joue avec tout le corps, et la motricité digitale n’est en fait qu’un maillon d’un processus plus général. Ancrage dans le sol, assise, colonne vertébrale, chaîne du bras avec les différentes articulations (épaule, coude, poignet) sont les différents mécanismes qui entrent en jeu lors de la pratique du piano. Il faut ajouter à cela la coordination et la synchronisation des différents doigts et éventuellement des pieds (pédales). Jouer du piano développe la latéralité, une conscience corporelle fine, ce qui entre en jeu dans le schéma corporel.

Pour en revenir aux questions initiales, il serait une erreur d’interdire quel qu’instrument que ce soit à qui que ce soit. Tout dépend, en effet des objectifs que l’on impose ou que l’on s’impose. Est-ce que je souhaite pratiquer le piano en amateur.e ? En professionnel.le ? Professionnel.le de haut niveau ? Et quand bien même là encore, la question du choix du / de la professeur.e est primordial. Je pense notamment aux personnes présentant des troubles « dys », souvent mises en situation d’échec avec un enseignement classique comme il se pratique depuis des décennies en France. C’est pourquoi il est important pour le corps enseignant d’être bien formé sur ces sujets, chose qui fait encore cruellement défaut en France faute de formation accessible et qualitative.

Enfin pour répondre à la question de l’âge « idéal » pour commencer la musique, c’est assez drôle de constater qu’en réalité cette question est finalement difficile. En France, si vous suivez le parcours classique de la plupart des écoles musiques et conservatoires, vous commencez à la maternelle avec de l’éveil musical, puis à l’âge du CP / CE1 vous accédez enfin au précieux graal, le cours d’instrument individuel, parfois même en ayant fait une année de Formation Musicale ou une année de parcours instrumental au préalable. Alors pourquoi fait-on ça depuis toutes ces années ? Sur quelle logique ce cursus s’appuie-t-il ? J’avoue ne pas avoir de réponse précise, d’ailleurs si vous en avez n’hésitez pas à les mettre en commentaire, mais j’en ai conclu que ce système suivait celui de l’apprentissage de la lecture. Donc, si ce raisonnement est correct, la lecture de graphèmes et la lecture musicale par extension précède donc la pratique instrumentale… Ce postulat fait partie de ma propre éducation musicale, c’est un pilier tellement établi que je n’avais jamais songé à le remettre en question que depuis peu.

D’ailleurs, je n’avais que très peu été amenée à enseigner à de jeunes enfants (en dessous de 6 ans) tout simplement parce que le cadre des structures dans lesquels je travaillais ne le permettait pas.

En novembre dernier j’ai eu l’extrême chance de participer à une formation pédagogique chez Irina Mints à Friedberg-Hesse en Allemagne. Et ce qui est drôle, c’est qu’elle nous a posé exactement la même question : à votre avis à quel âge peut-on démarrer un élève au piano ? La majorité des réponses se situaient autour de 5/6 ans. Elle nous a ensuite révélé accepter les enfants à partir de 4 ans, parfois 3 !!! Vous vous doutez bien qu’il ne s’agit pas du tout de faire de la lecture, mais nous l’avons vue en situation pédagogique avec ses propres élèves, dont certains très jeunes, et j’avoue avoir été conquise et fascinée. Pour résumer, toute la base de l’apprentissage passe par le développement psychomoteur sous forme de jeu et à l’aide de nombreux jouets-accessoires. D’ailleurs les toutes premières séances ne se déroulent que très peu au piano.

Alors du coup, et-ce envisageable de transposer ceci chez nous ? Bien qu’étant un pays voisin, le fonctionnement allemand est extrêmement différent du fonctionnement français, ainsi que le rapport à l’apprentissage. En France, j’ai l’impression d’une recherche de rentabilité constante : chaque minute doit être optimisée au maximum, au risque de passer pour un.e feignant.e ou un.e escroc. Que ce soit de la part des parents, mais aussi des collègues ou de la hiérarchie. Effectivement d’un point de vue extérieur les premières séances peuvent paraître légères car l’enfant reste au final peu au piano, mais les résultats sur le long terme, c’est-à-dire au moins un an, sont considérables. Au lieu de se baser sur un apprentissage théorique et qui repose sur la lecture (trop) complexe pour des élèves jeunes, il se base sur la perception sensorielle profonde.

Et lorsqu’il y a des troubles du développement psychomoteur ?

Pour toutes sortes de raisons, certaines personnes présentent des troubles de développement psychomoteur. Il peut aussi concerner les personnes « dys », TDAH, TED, l’autisme, les personnes atteintes de handicaps moteurs ou mentaux, trisomie, troubles psychiatriques ou également les personnes en EPHAD, avec des maladies dégénératives type Alzheimer… Pour toutes ces personnes, avec bien entendu tout l’éventail des spécificités de chacun, la musique est un allié de choix dans l’accompagnement thérapeutique, au même titre que le sport, les arts en général, le mime, la balnéothérapie ou les animaux, bref tout ce qui stimule les sens. Bien sûr pour ce type de public la ritualisation et l’encadrement d’une séance est plus que capital. Il faut également aménager le temps de façon à avoir une partie « active » et une partie « relaxation » dans une perception plus passive, sans aucune connotation péjorative. Cette dernière peut passer par l’expression et l’élaboration des ressentis : verbalisation , dessins, quand c’est possible pour les personnes.

Pour cela, Anne Lacoste utilise fréquemment les percussions corporelles. Ce sont des exercices très complets qui font entrer en jeu la coordination, la dissociation, les notions de rythme et de latéralité, les facultés cognitives, la mémoire et le mouvement. À cela j’ajouterai le renforcement du schéma corporel par le toucher et la vibration que provoque la percussion.

Peut-on faire des exercices adaptés à tout le monde pour le développement psychomoteur et propres à la pratique pianistique ?

Je dirais même que toute pratique corporelle ne peut être que bénéfique. Dansez, mimez, manipulez-vous, massez-vous ! Sautez en variant les réceptions : pieds joints, cloche-pied. Étirez-vous, faites la marionnette avec des fils imaginaires, poussez des choses, faites un saut de l’ange dans votre lit (en faisant bien attention à sécuriser, bien sûr!), faites le jeu du miroir avec une autre personne, créez, inventez vos propres mouvements. Il n’existe que les limites de votre imagination !

Pour aller plus loin


100 idées pour développer la psychomotricité des enfants, de Aurélien D'Ignazio et Juliette Martin De la naissance aux premiers pas: accompagner l'enfant dans ses découvertes motrices, Michèle Forestier, éditions Erès

Le développement de l'enfant de la naissance à 7 ans, Josianne Lacombe, éditions de Boeck

deux mémoires intéressants :

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